Historiquement, la Frontière se définit le mieux comme un point de rencontre entre des cultures différentes, celles des colons venus d’Europe et celles des peuples indigènes américains. Elle est à la fois une zone géographique et un terrain organisé culturellement, objet d’une lutte politico-militaire entre des groupes humains rivalisant pour sa domination. En d’autres termes, la Frontière est un territoire. Mais plus qu’une lecture factuelle de l’histoire, la Frontière est un récit métaphorique charriant inévitablement ethnocentrisme, racisme et impérialisme. C’est cette dimension métaphorique et narrative qui fait de la Frontière un objet symbolique, un territoire mythologique plus qu’historique. Territoire quand même, car si elle n’est pas un « lieu », la Frontière reste une métaphore spatiale et politique à la fois. Le genre cinématographique qui est reconnu pour avoir le plus directement représenté la Frontière à l’écran est bien évidemment le western. Jusque dans les années 1960, les films de cowboys et d’Indiens ont interrogé une mythologie nationale qui voyait dans la conquête de la Frontière l’accomplissement d’une destinée nationale. Mais les bouleversements politiques des années 1960 et les horreurs de la guerre du Vietnam ébranlent profondément la foi de l’Amérique en une métaphore et un mythe désormais désignés comme responsables de la faillite morale de la nation. Dans un tel contexte critique de la mythologie nationale, quelles ont été les réactions esthétiques et politiques du cinéma américain ? Le territoire de la Frontière a-t-il survécu à sa déconstruction politique dans les années 1970 et, si oui, sous quelles formes et avec quelles implications idéologiques ? Cet article analyse le renversement de perspective sur le territoire de la Frontière dans le western révisionniste avant de se pencher sur deux prolongements du mythe de la Frontière dans les genres du road movie et du film d’horreur.