À partir d’une approche fondée sur la comparaison différentielle (Ute Heidmann) et associant analyse des formes poétiques et analyse stylistique, il s’agit dans cette communication de montrer que la poussière, motif éminemment ambivalent dans les œuvres des trois écrivaines, participe à la recomposition de paysages intérieurs. Le territoire libanais constitue en effet une terre primordiale, ou, pour reprendre un terme employé par Nadia Tuéni dans une conférence donnée en 1969, un "arrière-pays". Le déroulé de la communication suit la géographie intérieure des trois poètes afin d'interroger la manière dont la guerre contamine l'espace physique et poétique, et sature la mémoire, en partant du plus vaste pour aller au plus intime. Nous commençons par déployer la notion de "paysage", composante fondamentale de l'imaginaire poétique et du lien intime tissé avec le pays, menacé de ruines et de désagrégation, à travers l'étude de différentes "matières de l'absence" (Georges Didi-Huberman, 2002 : 22) comme la poussière, la cendre, la fumée, la suie. Ensuite, nous analysons la propagation de l'effritement dans l’espace familial, et jusqu'au plus intime : les êtres dans leur intégrité physique, et le langage, menacé de silence. Enfin, dans le dernier temps de la réflexion, nous considérons le travail de recréation à l'oeuvre dans les textes : la disparition du paysage connu donne lieu à une restauration cosmique et poétique du monde fondée sur la dissémination d'éléments fertiles. Toutefois, nous montrons que ce principe de régénéréscence et de renaissance, dans certaines oeuvres, reste sous-tendu par la hantise de la mort et de la décomposition.