L'historiographie récente consacrée à la noblesse dans les divers territoires de la Monarchie hispanique moderne a mis en lumière la richesse et la complexité des réalités sociales, politiques et économiques que recouvrait l'état nobiliaire. De façon presque caricaturale, qu'est-ce qui relie un riche marchand anobli et le descendant d'une histoire multiloculaire, héritier d'un ethos chevaleresque encore vivant? Les multiples travaux sur la noblesse soulignent les écarts entre les différentes conditions, de sorte qu'il est devenu nécessaire de préciser les contours de ce qu'on entend par états privilégiés. La vision monolithique d'un état nobiliaire, véhiculée par les travaux de généalogie et l'historiographie du XIXe siècle doit être corrigée et appréhendée dans sa complexité, qui suppose une analyse des dénominateurs communs que constituent le privilège, l'exemption, la sphère d'influence et de pouvoir. Au seuil de ce livre, parler de noblesses au pluriel, c'est donc poser d'emblée l'existence d'états socialement très divers, tendus, vers un même horizon commun: celui de la distinction. Ainsi, quel que soit son poids économique, la noblesse exerce une attraction vitale dont le titre n'est qu'un des signes extérieurs. Elle rend manifeste, au regard du monde, une excellence humaine, une dignité à laquelle est attaché le titre. L'objet de cet ouvrage n'est pas d'examiner les modalités d'accès à l'état nobiliaire, ni les stratégies sociales et économiques déployées à cette fin, mais de mesurer la perception qu'avaient les acteurs de ce qui les distinguaient. Vêtement, comportement, portraits, pratiques et rituels sociaux, tout un ensemble, certes non exhaustif, de signes visibles et définitoires de la noblesse sont ici passés au crible des multiples démarches adoptées par les acteurs afin de donner à voir leur noblesse.